« Il y a une différence incroyable entre la langue maternelle et toute autre langue » nous dit J. Derrida. Carmine Mangone, correspondant de la main millénaire en Italie, propose cinq [sic] textes directement écrits en Français. Comment « entrer en amour avec une langue » ? Sinon en écrivant et en lisant… « Je ne saisis pas encore si ces tentatives sont valables, et je ne sais pas si mon Français écrit peut dire la poésie comme vos poètes et écrivains. »
1
J’écris en français mon nouveau alphabet
comme un analphabète qu’enfante
une petite alpha bête.
La continuité de ma voix
sera dans le même esprit de l’écart.
Je me vois,
présence émondée,
en écrivant tous les volis
et pas les racines.
22-23 décembre 2013
2
Immobiles, aussi bariolés que l’enfance,
des chats sauvages sont plantés dans les mots.
Ma poésie hachée griffe les ombres.
Est-elle diurne ou nocturne ?
Est-elle vraiment favorable à l’amour ?
Et à quel destin correspond-elle ?
Le bistouri des consonants a coupé le jour.
19 février 2014
3
Il y a une méthode chimique
pour raviver les amours perdus,
mais je ne peux pas le dire
car l’extérieur de la passion se situe sans mots
à la jointure du premier et du deuxième tiers des corps.
Quant au reste,
il est dans la rature des choses.
26 mars 2014
4
J’accorde à la poésie un rôle de plus en plus grand
au fur et à mesure que vous la dépravez.
Toutes les nuits finissent très bien quand elles commencent
par un tremblement de verre.
Une femme se dirige avec moi au principe des nuits blanches
et c’est ainsi la fin du monde.
On lit toujours le lendemain ce que l’on écrit sur
les corps en rêve.
26 mars 2014
5
Ayant lu les plis du lit,
je peux te dire que nous sommes encore loin
du pied de la page.
Le réveil a été pris dans les branches du sommeil.
On est toujours nu sous la vie.
26 mars 2014
6
Quelque chose s’ouvrit soudain en moi
et je sortis nu de la poésie.
Alors,
je fis l’inventaire de tous mes corps
en les arrachant du monde logique.
Les corps n’ont pas besoin d’une cause
pour avoir l’ambition de vivre.
27 mars 2014
le main millénaire, n° 10, Automne 2014-Hiver 2015, pp. 22-24.
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